Après cette première rencontre avec les joueurs de toupie chinoise, j’ai bien sûr cherché à m’en procurer une. Une tâche difficile lorsqu’on ne maitrise pas le chinois. J’ai fais le tour des magasins de sport de la ville, écumé le Web, et questionné nombres de marchands, quincaillers, boutiques de meubles et autre, sans succès. Chaque fois, on m’a répondu « meyo » (j’en ai pas). Dans ce genre de situations, il n’y a qu’une solution ; appeler l’oncle Souzai.
Souzai, c’est le frère du père de ma femme, il est ingénieur dans une usine qui produit des meubles en inox, il est bricoleur et comme beaucoup de gens ici, il n’hésite pas à utiliser les machines-outils de l’usine pour fabriquer meubles et ustensiles pour sa famille et ses amis. Il a ainsi équipé sa cuisine d’un ensemble de meubles en inox qu’on jurerait sortis du catalogue d’un spécialiste et c’est l’homme à consulter lorsqu’on cherche quelque chose qu’on ne trouve pas facilement dans le commerce. Ma femme a donc appelé l’oncle pour lui parler de toupies. Quelques jours plus tard, l’oncle nous annonce qu’il a fabriqué une toupie et le soir même, nous passons le voir pour découvrir cette fameuse toupie. Elle est parfaite, mais avec ses 6 centimètres de haut, elle conviendrait plutôt à un enfant qui la fera tourner à l’aide d’un bâton.
Je montre à Souzai les photos des joueurs de toupie que j’ai prises à côté du canal et nous commençons à discuter de la taille, de la forme de la toupie numéro 2. L’oncle a parfaitement compris. Il ne reste plus qu’à attendre qu’il ait le temps de fabriquer ce nouveau jouet. Et surprise, un soir où nous sommes réunis au restaurant pour « célébrer » l’anniversaire de la grand-mère, décédée il y a quelques années, l’oncle Souzai m’apporte la nouvelle toupie. Je suis ravi, comme un gamin qui vient de recevoir son premier vélo et je n’ai bien sûr qu’une seule hâte, essayer mon nouveau jouet. Mais comme je n’ai pas encore de fouet et qu’il serait mal vu de tester la toupie sur le sol en marbre du restaurant, je prends mon mal en patience.
Le lendemain, je retourne sur les bords du canal pour retrouver les joueurs de toupie et nous testons ensemble mon nouveau jouet. Ils s’extasient sur sa pointe en acier trempée, puis se mettent à critiquer sa forme : trop haute disent les uns, trop large disent les autres. C’est vrai que l’oncle Souzai a eu la main un peu lourde et que la toupie qui devait faire à l’origine 17 cm de haut, en fait presque vingt. Du coup, le centre de gravité se trouve un peu haut et la toupie s’avère difficile à manier, et surtout à lancer. Mais encore une fois, c’est une question de technique et de pratique. D’ici quelques semaines j’aurais attrapé le coup de main pour lancer cette toupie qui pèse sans doute plus lourd qu’une boule de bowling et qui ne dispose d’aucun trou pour la prendre en main.