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Rencontre avec Zhang Fu Tang

A force de recherches sur le Web chinois, j’ai fini par dénicher l’adresse d’une des associations de joueurs de toupie chinoise à Wuhan ; une information que j’emporte avec moi lors de mon nouveau voyage dans la capitale de la province de Hubei et que j’ai bien l’intention de vérifier.

Grâce à Baidu (le Google chinois) je localise le lieux sans problème ; comme de plus l’endroit semble être accessible par le métro, je me lance sans hésiter. J’ignore si cette adresse est encore valable, ni s’il y aura quelqu’un sur place mais avec ma pratique du chinois qui reste rudimentaire je préfère tenter le tête à tête qu’une conversation téléphonique dont je risque de ne pas comprendre l’essentiel. J’imagine déjà un petit local dans un immeuble de banlieue, avec une secrétaire en train de tuer le temps en pianotant sur son smartphone… Et naturellement, la réalité n’aura rien à voir.

Par précaution, j’ai imprimé le nom et l’adresse de l’association et me voilà parti. Quand on est étranger et qu’on ne lit pas le chinois, prendre le métro en Chine est beaucoup moins compliqué que de prendre le bus ; que ce soit à Beijing, à Guangzhou, à Wuhan ou ailleurs, le nom des stations est transcrits en anglais et dans les rames, les annonces son faites en chinois et en anglais. Du coup, à condition de connaître le nom de la station où on doit descendre, ça ne pose aucun problème.

C’est ainsi qu’après avoir pris le métro à Dazhe Lu, je me retrouve une demi-heure plus tard à Wuhan Dadao, dans la banlieue ouest de Wuhan. De là, comme je l’ai vu sur le plan, je dois prendre l’avenue à droite en sortant du métro pour rejoindre Dongwu Dadao où se trouve le siège de l’association. Le quartier ressemble à mille autres, avec ses boutiques de smartphones, ses restaurants et un nouveau centre commercial qui prépare son ouverture et si je n’avais pas le plan en tête, je serais incapable de dire où je me trouve. Mais le plan de Baidu ne ment pas et après 10 minutes de marche je tombe sur Dongwu Dadao, une avenue dans laquelle je m’engage à la recherche du numéro 948.

948 Dongwu Dadao

Le 948 de l’avenue Dongwu est un passage qui donne sur un groupe d’immeubles défraichis situés à l’intérieur de l’ilot. A l’entrée de la cour, une espèce d’appentis fait office d’épicerie-buvette et devant celle-ci une femme entre deux âges est installée à une table branlante. C’est sans doute la «surveillante de l’Îlot », une fonction informelle héritée de la révolution que l’on rencontre encore dans certains vieux quartiers. Je lui montre le nom de l’association sur la feuille que j’ai imprimée et lui demande si c’est ici. Elle acquiesce et me montre une petite construction de deux étages au bout du passage. Ça ressemble effectivement à un local associatif avec une grande enseigne en bois peinte dont je n’arrive pas à déchiffrer l’inscription. Je pousse une première porte pour entrer dans un local vide, puis une seconde à travers laquelle j’aperçois quelques personnes réunis autour d’une table. Ils sont en fait une douzaine et jouent au Mah-jong, un jeu typiquement chinois qui n’a rien à voir avec le jeux des baguettes que l’on connaît en France.

« Ni zidao zhege difang ma ? » Tu connais cet endroit ? Je pose la question à cantonade en montrant ma feuille de papier. L’homme le plus proche de moi sort ses lunettes et déchiffre l’adresse imprimée. Il me répond que oui et m’invite à le suivre à l’extérieur du local. Il s’arrête devant l’entrée d’un immeuble et me demande de l’attendre ici.

Trois minutes plus tard, je vois débarquer du fond de la cour un type qui me hèle : « Qu’est-ce que tu veux ? ». C’est un homme trapu, dans la soixantaine, vêtu d’un vieux pull et d’une veste sans âge. C’est Zhang FuTang, le président de l’association (enfin, j’imagine). Je lui dis que je suis venu à Wuhan pour jouer à la toupie chinoise et que je cherche des informations. Dans un chinois approximatif, je lui demande s’il sait dans quels endroits on joue à la toupie, si il existe des boutiques spécialisées à Wuhan et je lui explique que j’aimerais assister à une compétition de toupie. Après ce discours, un des plus longs que j’ai jamais tenu en chinois, l’homme acquiesce, il semble avoir compris. Je le suis dans son local situé au-dessus de la salle où j’ai rencontré les joueurs de Mah-jong.

Zhang Fu Tang, président de l'association de joueurs de toupie. de Dongxilu
Zhang Fu Tang, président de l’association de joueurs de toupie. de Dongxilu

Comme je le pressentais depuis mon arrivée, je me suis trompé sur toute la ligne ; point de secrétaire en train de tuer le temps en pianotant sur son smartphone, mais un atelier où règne un sympathique foutoir : des toupies en métal entreposées en vrac, des bâtons de 2 mètres suspendus à un râtelier et un établi jonché de pièces mécaniques. Zhang Fu Tang me demande : « tu veux acheter une toupie ? ». Il sort d’un sac de toile une grosse toupie en meilleur état que celles qui traînent par terre. Je lui demande son poids. « 10 kg. » C’est trop lourd pour moi. Il m’en montre une plus petite. « Et celle-là ? ». « 8 kg ». Encore trop lourd. Il me montre ensuite une toupie en bois de 6 kg qui a déjà vécu. Finalement, de peur d’oublier le but principal de ma visite, je le relance sur les compétitions de toupies. « Viens demain ici, à 7 heures. » Il me faut un certain temps pour comprendre d’abord que ce n’est pas 7 heures du soir mais 7 heures du matin, ensuite qu’il ne s’agit pas d’une compétition mais d’une séance d’entrainement. Je décline sa proposition ; le lendemain à cette heure, je serai à Hankou Riverside Park et comme c’est mon dernier jour à Wuhan, je ne peux pas louper ce rendez-vous.

Je lui donne ma carte de visite avec mon numéro QQ et lui demande son numéro de téléphone. Apparement, il ne le connaît par cœur et nous redescendons à l’épicerie-buvette à l’entrée de la cour pour récupérer cette information. Il le note sur un bout de papier et je lui demande aussi d’écrire son nom. Entretemps, la nouvelle qu’un « waiguo ren » (un étranger) est là a fait le tour de la cour et une demi-douzaine de femmes se pressent autour de nous. On me demande d’où je viens ; je montre quelques photos puis je fais le portrait de Zhang Fu Tang tenant religieusement ma carte de visite comme s’il s’agissait d’une relique. Je lui répète encore une fois : « tu m’appelles quand il y a une compétition de toupie chinoise ! » et je prend congé. Sur le chemin du retour, je m’aperçois que j’ai oublié de lui poser la moitié des questions que j’avais prévues. Mais à présent que je connais l’adresse et que j’ai son numéro de téléphone, je pourrai toujours le recontacter plus tard.