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Le collectionneur de toupies chinoises

Après l’entrainement de toupie du matin qui m’a mis la tête à l’envers (voir le billet précédent), l’après-midi je décide de me relancer sur la piste du collectionneur de toupies chinoises, un vieil habitant de Wuhan dont j’ai découvert l’existence en lisant un article (en chinois) déniché sur Baidu. L’article, qui date d’il y a trois ans, raconte que cet homme de 70 ans possède une collection de plus de 200 toupies et qu’il rêve d’ouvrir un musée de la toupie. Comme de plus le journaliste indique l’adresse du collectionneur, je devrais pouvoir le retrouver sans trop de difficultés, à moins qu’il ne soit décédé depuis ou qu’il ait déménagé.

Jian De Sen - l'homme qui voulait créer une musée de la toupie chinoise
Jian De Sen – l’homme qui voulait créer une musée de la toupie chinoise – Photo © http://whcb.cjn.cn

Avant de me lancer, je descends à la réception de l’hôtel et demande où se situe l’adresse mentionnée dans l’article ; c’est dans la banlieue Est de Wuhan, à une vingtaine de kilomètres. Comme il n’y a pas trop de circulation en ce début d’après-midi, je décide de prendre un taxi, un petit luxe qui me coutera 40 Yuans (6 €) mais qui me fera économiser du temps en me menant directement à la bonne adresse.

Quelques minutes plus tard, je hèle un taxi devant l’hôtel, lui montre l’adresse imprimée et nous voilà partis. Après un trajet d’une vingtaine de minutes, le chauffeur s’arrête à un carrefour sur une grande avenue et m’annonce « dao le » (on est arrivés). Il montre un groupe d’immeubles et me dit que c’est ici. Je régle la course et me retrouve sur le trottoir ; de l’autre côté de cette avenue à 6 voies des faubourgs de Wuhan, se dresse un ensemble de tours d’une vingtaine d’étages. C’est ici qu’habite mon collectionneur. Moi qui m’attendait à un petit immeuble de 4 ou 5 étages comme on en trouve beaucoup dans le centre de la ville, je comprends que la tâche va être difficile. Mais comme je suis sur place, ce serait dommage de ne pas tenter le coup. Je traverse l’avenue et rejoins le groupe d’immeubles.

La première chose à faire est de trouver un gardien ou un responsable d’ilôt. Mais la guérite installée devant l’entrée principale est vide. Impossible non plus d’entrer dans un immeuble car le square qui les entoure est cloturé par une grille et il faut un code ou une clé pour y pénétrer. De l’autre côté de ces grilles, je vois des habitants en train de papoter sur des bancs, quelques enfants qui jouent mais personnes ne me prêtent attention. J’attends donc que quelqu’un ouvre la grille pour entrer dans le square et je lui emboite le pas.

J’ai sortis de mon sac l’article en chinois sur le collectionneur et je m’approche d’un petit groupe de retraités installés sur un banc. Je montre la photo de l’homme qui figure au début de l’article et je demande : « Tu connais cette personne ? ». « Connais pas ! ». Je fais ainsi le tour du square en répétant ma question une dizaines de fois, sans plus de succès. Personne ne connaît cet homme qui doit tout de même être une figure locale, et apparement, tout le monde s’en fiche. Je range ma feuille de papier et sors du square. C’est l’impasse totale. Je en sais même pas si mon collectionneur habite vraiment ici. Un peu dépité, je rejoins l’avenue où j’arrête un taxi pour rentrer à l’hôtel.

Un photographe

Le lendemain matin, je retourne à Hankou Riverside Park pour une nouvelle séance d’entrainement ; en m’approchant de l’esplanade où se réunissent les joueurs de toupie, je remarque qu’il y a plus de monde que d’habitude, on a installé des drapeaux et des calicots, et quelques photographes sont installés sur les marches à mitrailler l’aire de jeux. Je pense immédiatement à une compétition de toupie et je presse le pas. En fait, il ne s’agit pas d’une compétition mais de deux joueurs que je connais bien en train de se battre avec une toupie de 15 kg. Ils sont installés face à face de chaque côté de la toupie et la frappent en alternance à l’aide de leur bâton de deux mètres (voir la vidéo). Le spectacle est fascinant et me fait penser à ces forains que j’avais rencontrés en France quelques années plus tôt alors qu’ils montaient le chapiteau de leur cirque ; ils étaient trois à frapper en cadence un pieu à l’aide de masses de 10 kg, dans une sorte de ballet parfaitement synchronisé. Ici, il ne s’agit pas de colosses et la scène dure à peine une minute ; le temps de poser mon sac, les joueurs se sont déjà arrêtés. Je devine alors que ces photographes ne sont pas là pour les joueurs de toupie mais pour une autre manifestation qui doit se tenir à côté et qu’ils s’occupent comme ils peuvent en attendant le début de celle-ci.

Deux joueurs de toupies frappent en alternance une toupie de 15 kg.
Deux joueurs de toupies frappent en alternance une toupie de 15 kg.

Et comme je m’y attendais, j’ai à peine déballé ma toupie et commencé à m’entrainer qu’un de ces photographes a repéré ma tête d’étranger, coiffée d’un bonnet Great Wall, et s’approche. Je le laisse prendre quelques photos puis je l’aborde et lui demande s’il peut m’envoyer les clichés sur mon adresse QQ. L’homme est surpris que je parle chinois et nous discutons quelques minutes. Il veut faire d’autres photos. Pas de problème, je relance la toupie en utlisant la corde, comme me l’a montré mon coach et le photographe mitraille.

Contrairement au photographe que j’avais rencontré lors de mon précédent voyage à Wuhan, lui semble être un photographe professionnel ; il ne shoote pas à cent mètres de son sujet avec un télé-objectif long comme le bras mais se tient à quatre ou cinq mètres, juste assez éloigné pour ne pas se prendre un coup de bâton ou de fouet. Il me suit ainsi durant un petit quart d’heure, m’accompagne voir un joueur qui veut me vendre une toupie de 3 kg, puis s’eclipse pour rejoindre la manifestation qui semble sur le point de commencer.

Plus tard, lorsque je quitte le terrain de toupie, je croise à nouveau le photographe à côté d’un podium, il est accompagné par d’autres photographes qui couvrent l’événement. Je devine qu’il s’agit d’une manifestation sportive en découvrant quelques personnes qui portent déjà des dossards numérotés. Ils me demandent de poser devant le podium le temps de faire une photo. Pas de doute, ce sont des photographes professionnels ; j’en aurai l’ultime confirmation lorsque je recevrai les photos quelques jours après mon retour à Zhanjiang.